ActualitésCommentaireDroit d'auteurDirectives droit d’auteur et CabSat du 17 avril 2019 : « Ne légiférons qu’en tremblant » – Nicolas Binctin et Xavier Près

16 janvier 2020

Un colloque est organisé au Sénat par l’institut Stanislas de Boufflers sur la transposition de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE

L’objet de ce colloque n’est pas de revenir sur la genèse de la directive ou les difficultés qui ont précédé l’adoption in extremis d’un texte qui a bien failli ne jamais voir le jour. Ni, seulement, d’analyser les apports et limites d’un texte dont l’ambition est de mieux appréhender les nouvelles « manières dont les œuvres et autres protégés sont créés, produits, distribués et exploités » du fait de l’évolution des technologies et de la volonté de créer un marché unique numérique (considérant 3 de la directive 2019/790). L’objet n’est pas non plus de revenir sur les controverses liées à certaines dispositions, dont les plus polémiques portant sur la consécration, au niveau européen, d’un nouveau droit voisin en faveur des agences et éditeurs de presse (art. 15 de la directive 2019/790) ou l’aménagement d’un dispositif de responsabilité pour les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne (art. 17 de la directive 2019/790). Le texte a été adopté. Et il a déjà été abondamment commenté dans le cadre de publications et colloques divers. Nous n’avons pas souhaité revenir sur ces points.

Notre propos est plus limité ; il est circonscrit à la formulation de propositions de transposition de la directive 2019/790 dans notre droit français. L’article 15 de la directive sur le nouveau droit voisin des agences et éditeurs de presse a donc été écarté puisqu’il a déjà été transposé par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019. L’ensemble des autres articles du texte sont en revanche abordés, y compris certaines dispositions aux effets plus modestes ou dont l’adoption a été plus facile.

Le résultat de nos travaux est publié sur le site de l’Institut de Boufflers. Les propositions de chaque groupe sont mises en ligne telles quelles, sans explication, ni commentaire. L’appareil critique sera explicité lors du colloque.

C’est le 10 février 2020 en effet que nous présenterons au sénat le fruit de nos réflexions qui ont précédé l’élaboration de ces propositions de transposition. Au-delà de l’analyse critique de la directive, des questions simples ont guidé nos réflexions et seront présentées à cette occasion : quelles sont les dispositions de la directive qui doivent être transposées au regard du droit positif français ? Quelles sont les dispositions du code de la propriété intellectuelle qui sont concernées ? Comment faut-il insérer ces modifications dans la législation française ? Avec quelles conséquences ? Quels en sont les enjeux ? Bref, autant de questions que le législateur devra se poser avant de transposer le texte dans notre droit français.

Nos travaux n’auraient pu exister sans les contributions, par ordre alphabétique, de Christophe Alleaume, Lorraine Bazin, Jean-Michel Bruguière, Sylvain Chatry, Charles de Haas, Grégoire Hadot-Péricard, Guillaume Henry et Agnès Lucas-Schloetter. Nous les en remercions chaleureusement.

La directive (UE) 2019/789 du parlement européen et du conseil du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/CEE du Conseil n’a pas été oubliée.

L’analyse de la directive Cable et Satellite a été réalisée par Soufiane Chaabane et Julien Grosslerner. Le texte de la directive est assez court. Mais éminemment technique. Et non sans conséquence puisqu’il s’agit d’assurer « une plus large diffusion, dans les Etats membres, de programmes de télévision et de radio » et, partant, « de promouvoir la diversité culturelle et linguistique et la cohésion sociale, et d’accroitre l’accès à l’information » (considérant 1 directive CabSat). Un grand merci également à eux.

La directive sur le droit d’auteur et les droits voisins doit être transposée au plus tard le 7 juin 2021. Il en est de même de la directive CabSat. La France a décidé d’aller vite. Certaines dispositions ont été insérées dans le cadre de la prochaine loi sur l’audiovisuel dont le fameux article 17 portant sur le dispositif de responsabilité des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne. Les autres dispositions devraient être transposées concomitamment, par voie d’ordonnance. Le calendrier est serré ; il est régulièrement reporté. Les textes devaient être encore récemment publiés au printemps 2020. Mais c’est désormais le mois de juillet qui est évoqué. Et l’échéance est ambitieuse.

Cette échéance sera-t-elle tenue ? A vrai dire peu importe, ce qui compte, c’est la méthode. A l’exigence de droit, nous rappellerons donc l’exhortation de non-droit du doyen Carbonnier. « Et ce serait déjà un beau résultat si nos hommes de gouvernement consentaient à prendre conseil de quelques maximes, inspirées de l’hypothèse et pourtant raisonnables, telles que Ne légiférez qu’en tremblant, ou bien Entre deux solutions, préférez toujours celle qui exige le moins de droit et laisse le plus aux mœurs ou à la morale ». Avant de légiférer, il faut donc réfléchir d’abord beaucoup. Nous avons essayé d’y contribuer… un peu et en toute indépendance.